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Page:Maman J. Girardin.pdf/206

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une bonne promenade sur la grand’route. Je reviendrai tout calme et tout raisonnable. »

Il mit aussitôt son projet à exécution, et s’en alla tout le long de la grande route, promenant des regards satisfaits sur les champs, sur les arbres, sur les maisonnettes, et jusque sur la poussière du chemin.

Quand il eut respiré l’air des champs à pleins poumons, et qu’il fut soulagé de son oppression, il tira sa pipe de sa poche, la bourra nonchalamment et se mit en devoir de l’allumer. Mais il faisait un petit vent d’est qui éteignait brusquement les allumettes, une à une. Voyez pourtant ce que c’est que de porter en soi un grand contentement ! Cela amusait M. Pichon de voir le vent lui souffler ses allumettes.

À la fin, il avisa un de ces terriers que se creusent les cantonniers, au revers des fossés, pour se mettre à l’abri de la pluie. C’est à peine si un homme ordinaire peut s’y introduire en rampant. M. Pichon, qui n’était point un homme ordinaire, du moins quant au volume, s’introduisit dans le terrier pour y allumer sa pipe. Il avait les genoux dans la poitrine, sa respiration était haletante et ses tempes battaient avec force. Eh bien ! cela l’amusait d’être si mal à son aise pour allumer sa pipe, et il souriait. On peut bien dire que c’était un sourire de satisfaction intime, car nul mortel n’eut jamais connaissance de ce sourire.

« Me voilà propre ! se dit-il en s’examinant au sortir de la tanière, mais n’importe, ma pipe est allumée. »

Le vent d’est emportait au loin les bouffées de tabac et les étirait comme des rubans. M. Pichon suivait les rubans du meilleur regard de son bon œil, et s’intéressait véritablement à leur sort.

« Déjà finie ! s’écria-HI quand la pipe fut achevée ; ce n’est pas étonnant, le vent en a fumé la moitié ! »

Alors, de haut en bas, il considéra sa personne qui présentait un aspect passablement terreux ; tout en marchant, il donnait sans se presser de bonnes tapes ou de simples pichenettes, pour faire tomber la terre qui s’était attachée à ses vêtements. Cela encore l’amusait. Tout est amusement pour un collégien en vacances, et, pour le moment, M. Pichon était un véritable écolier en vacances.

Ayant vu un paysan qui travaillait dans une vigne, l’échine pliée en deux, M. Pichon franchit le fossé pour aller voir quelle façon on