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le frère regardant la sœur et la sœur regardant le frère pour savoir lequel des deux précèderait l’autre. Ils finirent par arriver de front.

« Les voilà ! » dit Lucien qui les vit le premier. Mme Gilbert ouvrit la porte du boudoir, pour accueillir les deux nouvelles recrues.

Pendant qu’elle leur parlait dans le corridor, pour leur souhaiter la bienvenue, Lucien, involontairement, tendait l’oreille pour tâcher d’entendre ce qu’elle leur disait. Mais si les paroles de Mme Gilbert n’arrivaient pas à son oreille, il vit qu’elle se contentait de tendre la main à Maurice, et son cœur tressaillit de joie ; dès le premier jour elle l’avait embrassé, lui. En revanche, Mme Gilbert embrassa Nathalie, mais, après tout, Nathalie n’était qu’une fille.

Louise et Georges s’étaient levés, par politesse ; par politesse encore, ils firent quelques pas en avant, lorsque leur mère apparut à la porte du corridor, entre les deux enfants. Lucien, resté près de la table du jardin, se trouva tout d’un coup si isolé et si malheureux que des larmes de dépit lui montèrent aux yeux Comme il sentait renaître en lui les premiers troubles de la jalousie, une grosse tête velue se posa sur ses genoux et deux bons yeux de chien le regardèrent d’un air affectueux.

Il se souvint alors des paroles que Mme Gilbert avait prononcées le jour où elle l’avait amené à dire: « J’aime Pataud ! » et le mauvais esprit qui s’était réveillé en lui fut conjuré par ce doux souvenir.

De ses deux mains, il attira contre lui la tête de Pataud, et la serra si vigoureusement que Pataud’prit un air inquiet, sans oser toutefois faire la moindre résistance.

Quand Maurice et Nathalie eurent serré la main de Lucien, d’un air assez gauche, les cinq enfants se regardèrent avec embarras, ne sachant plus que dire ni que faire. Mme Gilbert vint à leur secours.

« Mes enfants, leur dit-elle, il fait trop chaud pour que vous puissiez sauter ou courir sans vous mettre en nage ; Lucien aura l’obligeance de vous raconter une histoire.

— Oh oui ! » s’écrièrent Georges et Louise, et Georges dit aux deux autres enfants: « Vous allez voir comme il sait de belles histoires. »

En effet, Lucien savait de belles histoires ; et non seulement ses