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Page:Maman J. Girardin.pdf/37

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ranger une seconde fois. Monsieur n’avait pas bougé, uniquement parce que madame ne bougeait pas. Il avait toujours sa serviette nouée derrière le cou ; ses deux mains étaient toujours posées à plat sur ses genoux ; il attendait toujours, avec son air doux et résigné, que quelqu’un voulût bien lui faire la barbe. Pour charmer ses loisirs, il regardait d’un air bienveillant un gros chat obèse qui s’était hissé sur la table et faisait rafle des restes, en choisissant les morceaux.

« Vous avez sans doute à la Silleraye un bureau télégraphique ? demanda le capitaine.

— Oui, monsieur ! répondit l’homme aux joues roses, non sans un certain orgueil.

— Où est-il ?

— Presque en face, dans la maison du coin.

— Jusqu’à quelle heure est-il ouvert ?

— Jusqu’à neuf heures.

— Dans quelle partie de la ville demeure le percepteur ?

— Dans la ville haute.

— Par où faut-il passer ?

— Vous avez deux chemins, » commença l’homme aux joues roses ; mais sa femme l’interrompit pour lui faire observer qu’il pourrait bien se lever, conduire le voyageur jusqu’à la porte cochère et lui indiquer les deux chemins.

L’homme aux joues roses se leva, en s’y reprenant à deux fois, comme un homme accablé de fatigue, mais sans cesser de sourire et sans se permettre la moindre observation. Il conduisit le voyageur jusque sur le trottoir et reprit sa phrase :

« Vous avez deux chemins. Ou bien vous tournez à gauche et vous passez sous la voûte de l’hôtel de ville ; vous attrapez la grande rue qui monte en pente douce jusqu’à la porte du château, une grande porte flanquée de deux tours rondes ; ou bien vous suivez la rue d’en face jusqu’à un endroit où il y a une promenade de tilleuls et une fontaine avec un bonhomme dessus. Vous passez derrière la fontaine, et vous vous trouvez en face de l’Escalade. L’Escalade est un escalier de pierre qui vous mène aussi devant la porte du château. Une fois là, vous passez sous la voûte, vous montez toujours, et vous tournez à droite ; alors vous vous trouvez sur le donjon ; c’est encore une promenade plantée de tilleuls. Tout au-