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Là-dessus Georges avait cessé de questionner M. Pichon, et était demeuré assez longtemps silencieux et rêveur. C’est à propos de ce dialogue que M. Pichon se demandait où diable les enfants pouvaient prendre ce qu’ils disaient.

« Eh bien quoi ? se dit-il brusquement ; est-ce que je vais broyer du noir à cause de cela ? »

Comme on approchait de la Silleraye, M. Pichon, fidèle à la parole donnée, avertit Georges et l’aida à monter sur le siège.

« Monsieur Pichon, dit l’enfant, j’ai quelque chose à vous dire.

— Quoi donc, mon bijou ?

— J’ai demandé à papa s’il veut que je sois conducteur.

— Et qu’est-ce qu’il vous a répondu, votre papa ?

— Il m’a dit: « Commence par faire tes études, et quand tu seras bachelier, nous verrons. »

—Tout n’est pas rose dans le métier de conducteur, dit gravement M. Pichon.

— Comment cela ?

Un conducteur qui passe sa vie à rouler sur les routes n’a guère le temps de voir sa famille, et…et il finit par l’oublier un peu.

— Oh non ! ce n’est pas possible.

— Si, mon bijou, c’est possible. Ainsi, moi qui vous parle, j’ai des neveux que je ne connais pas encore. Mais, se hâta-t-il d’ajouter, je vais prendre un congé pour aller les voir et passer quelques jours chez eux.

—Monsieur Pichon, dit Georges avec un air très grave et un soupir de regret, je crois que je ne serai jamais conducteur. »