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la brèche aux buffles.

aux consommateurs dans la salle à manger. On appelle cela des biftecks dans ce pays-ci ! François frissonna, mais il se montra tout de suite à la hauteur des circonstances. En un clin d’œil, il avait découvert des œufs, des oignons, du lard, une vieille marmite et une poêle.

Vingt minutes après, la première soupe à l’oignon qui ait jamais été conçue et exécutée dans le Dakota mijotait doucement sur le feu, envoyant dans toute la maison ses réjouissants effluves, que tous les colonels et tous les juges aspiraient avec une surprise indicible. Tout le monde voulut en avoir. Les deux servantes elles-mêmes, si je puis employer une expression aussi peu respectueuse en parlant de mesdemoiselles Minnie et Laura, nièces du colonel Thompson, rédacteur en chef du Buffalo-Gap-News, vinrent s’asseoir entre leur oncle et moi et réclamèrent leur part, qu’elles absorbèrent en faisant des petites mines charmantes. Quand on vit arriver ensuite une omelette au lard, l’enthousiasme fut à son comble. Thompson déclara qu’il consacrerait son prochain article à la description de ces deux merveilleux French dish. La gloire est un aimant qui attire toujours la beauté ! La belle Laura était si émue, que si François lui avait demandé sa main, elle la lui aurait accordée séance tenante ; j’en suis convaincu. Bien loin d’entrer dans cette voie, il a refusé avec une grande énergie le bifteck qu’elle lui offrait ; mais il n’a pu échapper, malgré la modestie qui est l’apanage du vrai talent, aux poignées de main enthousiastes de la douzaine de colonels et de juges qui lui doivent d’avoir été initiés aux délices de la soupe à l’oignon.

En sortant de table, nous allons faire quelques emplettes. Comme toutes les autres villes du Far-West,