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Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/283

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la brèche aux buffles.

et les boîtes de conserves s’accumulent dans le grenier. Le cellier est bourré de pommes de terre : les navets, les choux et les carottes sont mis en silos. Naturellement, la gelée de l’autre jour n’a rien laissé dans le jardin. C’est bien dommage, car il y avait encore des masses de melons merveilleux et de potirons délectables. Ils font maintenant la joie de Marat et de son intéressante famille.

Dans ce singulier pays, les poules exigent aussi des soins spéciaux. Elles gèlent dans leurs poulaillers, pendant l’hiver. Il faut leur creuser de petites caves où elles se réfugient pendant les grands froids : et malgré cette précaution, presque toutes perdent leur crête. On ne se figure pas quelle étrange figure cela donne aux coqs.

Les deux gars ont été mis en demeure de dire s’ils voulaient rester ou s’en retourner au pays. Le gars Leboucq, consulté le premier, a déclaré « que ben sûr c’était un pays ousqu’il n’y avait guère de cidre, mais que c’était un bon pays tout de même et qu’il resterait tant qu’on voudrait avec ces messieurs ». Il a même demandé si l’on ne pourrait pas faire venir son frère, qui lui a écrit pour lui dire qu’il voudrait « ben venir aussi ».

Il paraît qu’autrefois, du temps de Robert Guiscard, les gars normands aimaient beaucoup les voyages : mais ce goût-là leur avait bien passé. Il y a trois ou quatre ans encore, les Américains avaient toutes les peines du monde à trouver quelques gars qui consentissent à accompagner leurs chevaux plus loin que le Havre. J’éprouvais moi-même quelques difficultés à en trouver. Maintenant j’en aurais cinq cents en deux jours, rien que dans quatre ou cinq cantons, si je les voulais. Quand je suis dans le pays, il en vient tous les matins