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Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/287

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la brèche aux buffles.

faire une grande propriété, ou pour y bâtir une ville. Mais, en attendant, il n’aura fait que vivre, et vivre d’une façon très précaire, si les années sont passables ; si elles sont mauvaises, il y a gros à parier qu’il ne pourra pas tenir ; il empruntera à 18 pour 100, et, un beau jour, il sera obligé de partir. Il n’en était pas de même il y a quelques années, mais avec les prix actuels des produits agricoles, un petit propriétaire ne peut pas vivre.

J’en ai encore eu la preuve l’autre jour. C’était le lendemain du dégel. Il avait « chu de l’ieau » pendant la nuit, comme on dit en Normandie, et la neige était presque fondue. Dans l’après-midi, j’eus la fantaisie d’aller chasser. Je descendis la vallée pendant deux ou trois milles, et puis, attachant mon cheval à un buisson, je me mis à battre les fourrés qui sont sur le bord du creek. Il paraît que le froid a fait revenir les poules de Prairie, car en moins de deux heures, mon chien en a fait lever huit ou dix compagnies, et j’ai pu faire une assez jolie chasse. Je me disposais à revenir, quand j’ai vu un homme à cheval qui arrivait sur l’autre rive du ruisseau, dans lequel il y a pas mal d’eau dans ce moment-ci. Il poussait devant lui deux vaches et un veau, et cherchait à les faire passer de mon côté. La première ne fit pas de difficulté. Mais, à peine entrée dans l’eau, la seconde, celle qui avait le veau, parut tout à coup changer d’avis : elle remonta tout à coup sur la berge et partit au galop dans la direction par laquelle elle était venue. Voyant l’embarras de son conducteur, je lui fis signe que je me chargeais de garder celle qui était de mon côté et qu’il pouvait courir après la fugitive.

Quelques minutes se passèrent. Mon tête-à-tête avec