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Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/58

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la brèche aux buffles.

vient de la vente de ses bœufs et de la fourniture de foin qu’il nous fait, et pour laquelle il lui a fallu prendre pendant trois mois un homme qu’il payait cinq francs par jour et qu’il nourrissait. Il n’a donc gagné que très peu de chose. Il me semble par conséquent impossible qu’il ait plus de 500 ou 600 dollars à dépenser par an, et tout cela doit passer dans les poches des marchands de Buffalo-Gap. Notez que sa position n’est ni meilleure ni pire que celle de tous les autres fermiers des environs ; j’entends de ceux qui sont travailleurs et économes, et c’est la très petite minorité. L’agriculture, si lucrative aux États-Unis, qui avait pris jusqu’à ces années dernières un tel développement qu’elle a ruiné la nôtre, est atteinte à son tour.

Il est intéressant de rechercher les causes qui ont amené ce résultat. Le meilleur moyen pour y arriver, c’est de se rendre compte des conditions dans lesquelles opèrent deux fermiers, l’un Américain et l’autre Français, — par exemple, — disposant du même capital.

Tout d’abord, il faut constater que la constitution de la propriété donne au Français une énorme avance. Il y a en France toute une école de braves gens qui s’intitulent économistes, sans doute parce qu’ils se sont toujours économisé la peine de regarder ce qui se passe autour d’eux. Ils nous racontent que si notre agriculture n’est pas prospère, c’est parce que nous n’avons pas de crédit agricole ! Mais qu’est-ce que c’est donc que le fermage, sinon une opération par laquelle un capitaliste met à la disposition du cultivateur, sous forme de bâtiments, de plantations, de drainages et d’améliorations de tout genre, une somme généralement sept ou huit fois supérieure à celle que ce cultivateur met lui-même dans l’affaire comme mobilier et