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la brèche aux buffles.

tandis que le second en essaye presque toujours trois ou quatre avant de se faire fermier. Il est certainement plus difficile sous le rapport du logement et surtout de la nourriture ; mais c’est son propriétaire qui paye son logement, et quant à sa nourriture, sa femme est tellement industrieuse, qu’il dépense habituellement bien moins pour ce chapitre que son concurrent américain, qui, à cause de la paresse de la sienne, est obligé d’acheter très cher à peu près tout ce qui se mange chez lui. En somme, mettez-les tous les deux l’un à côté de l’autre, dans les mêmes conditions, le Français gagnera de l’argent, quand l’Américain en perdra.

Malheureusement c’est le contraire qui est arrivé jusqu’à ces derniers temps. C’est que tous ces avantages étaient plus que compensés par ce fait capital que l’Américain peut prendre toute la terre qu’il veut ; que, de plus, il ne supporte pas le poids du service militaire, et, enfin, qu’il ne paye pas d’impôts : mais il ne faut pas trop insister sur ce dernier point. Il y a des économies plus apparentes que réelles celle-là pourrait bien être du nombre. Ainsi Rogers, par exemple, ne paye que 60 ou 80 francs d’impôt par an, et cette somme bien modeste est censée représenter ses contributions à toutes les dépenses de l’État ; mais il s’aperçoit souvent qu’il n’en est pas quitte à si bon marché. Ainsi, quand le juge du district, charpentier de son état, a su qu’il allait se faire construire une maison, il lui a laissé entrevoir qu’il le verrait avec peine confier ce travail à un autre qu’à lui-même. Rogers a été très prompt à saisir le sens de cette insinuation, ayant précisément en ce moment un procès pendant devant ledit juge, qui se fait payer cinq dollars des journées commençant à dix heures du matin, finissant