Page:Marais -8Aventure de Jacqueline.djvu/39

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Cloud. Des paysages s’entrevoyaient, estompés de grisaille ; une lune jaunâtre commençait à percer une barrière de nuages cotonneux.

— Que s’est-il passé ?… Tu t’es fait mal, mon pauvre petit ?

Schwartzmann avait reconduit ses amis boulevard Haussmann. Et Michel Bertin, qui les accueillait, remarquait tout de suite la blessure de René. Celui-ci, un peu à contre-cœur, lui raconta l’incident de Buc. Le grand-père se tourna vers Schwartzmann et déclara, avec une douceur ambiguë :

— Je suis désolé, Monsieur, que vous ayez souffert aujourd’hui de la mauvaise éducation de notre populace : elle a l’habitude regrettable de manifester ses sentiments avec une spontanéité gênante… On ne lui a pas enseigné notre politesse.

Lorsque Hans fut parti, René lui reprocha :

— Tu n’es pas gentil, grand-père !… Tu as eu l’air d’approuver ces brutes.

— Mais non, mais non ; protestait Michel. Seulement… seulement…

Et le grand-père acheva, avec une grimace de vieux gamin :

— Seulement, moi, ça me réconforte de penser qu’il y a tout de même à Paris des gens que la gloire de Schwartzmann n’ « épate » pas !




VII


— Monsieur Bertin, je pars pour Montluçon demain matin et je désire passer gaiement cette dernière soirée. Vous avez une idée pour s’amuser ?

Ainsi Hermann Fischer rappelait-il à René la promesse que celui-ci lui avait faite à leur première entrevue. Plusieurs fois déjà, depuis son arrivée, le jovial Fischer avait exploré seul ce Paris nocturne où, naturellement, il s’imaginait découvrir des perversités nouvelles et des sensations inédites. Mais comme ces excursions diverses ne lui avaient rien révélé qu’on ne lui eût offert en son pays, Hermann s’était persuadé que les plaisirs pimentés dont il nous octroyait le monopole n’étaient débités que dans des endroits secrets connus des Parisiens seuls.

Un peu agacé par ce préjugé bien germanique qu’Hermann affichait avec son tact coutumier, René avait accepté mollement d’escorter Fischer pendant cette soirée d’adieux ; et tandis qu’il attendait la venue d’Hermann et de Hans qui lui avaient donné rendez-vous à l’atelier, le sculpteur se concertait avec ses amis Paul Dupuis et Maurice Simon afin d’établir le programme de cette nuit mirifique rêvée par Hermann.

— Tu veux que nous accompagnions également ton Allemand ? dit Simon, sans enthousiasme.

— Écoutez donc… Si nous lui faisions une blague ? proposa l’architecte, qui avait un goût prononcé pour les farces de rapin.

Et Paul Dupuis exposa son projet, qui fut adopté à l’unanimité.

Lorsque Schwartzmann et Fischer se présentèrent chez le sculpteur, René déclara gravement :

— Puisque vous m’avez promu à la dignité de cicerone, c’est que vous souhaitez de vous distraire tout particulièrement et d’une manière différente…

— Oui ! oui ! approuva vivement Hermann.

— Ma tâche est fort embarrassante ; poursuivit le jeune Bertin. Je suppose que vous avez déjà essayé de tous les