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Page:Marais -8Aventure de Jacqueline.djvu/49

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de plus, avec ses sentiments ignorés, ses mœurs inaccoutumées, son mystère impénétrable.

La jeune fille suivit Hans ; d’abord, parce qu’elle redoutait de blesser sa susceptibilité en refusant une chose proposée si simplement ; ensuite, par curiosité : Jacqueline grillait d’envie de contempler l’installation de Schwartzmann ; malgré la banalité probable de la chambre d’hôtel, c’était un peu de la vie intime du grand homme qu’elle allait connaître là.

Le décor était celui de la chambre traditionnelle du grand hôtel, en effet : cette vaste pièce, au second étage, était impersonnelle et confortable. Tandis que Hans cherchait ses volumes, Jacqueline avisa tout de suite la cheminée où Hans avait placé quelques portraits : plusieurs photographies le représentant dans des poses différentes et révélant un amour immodéré pour sa propre effigie ; puis, le portrait d’Hermann ; et, enfin, figée dans une gauche attitude de villageoise endimanchée, la robuste personne de Caroline accoudée contre un balcon enguirlandé de roses. Jacqueline, agitée d’une confuse irritation, s’écria d’une voix agressive :

— Ah ça, vous les fréquentez donc depuis bien longtemps, ces Fischer, que vous êtes si intime avec eux ?

Du fond de la chambre, Hans répliqua d’un ton paisible :

— Non. Je les connais depuis l’année dernière. J’ai rencontré Hermann dans une partie de chasse. Nous nous sommes liés parce qu’il admire les artistes et que j’aime les hommes simples comme lui. Il a une fortune colossale.

Jacqueline se retourna, pour ne plus voir la niaise photographie de Caroline ; elle remarqua, devant la fenêtre, une table chargée de papiers, de livres, de brochures. Sur des feuilles volantes, la jeune fille reconnut l’écriture de Hans. Elle s’approcha, en s’exclamant :

— Comment !… Vous travaillez aussi, en voyage ?

Schwartzmann bondit ; il se précipita, bouscula rudement Jacqueline pour l’écarter de la table ; et, se jetant sur les papiers étalés, il les ramassa et les enferma à l’intérieur d’un tiroir, d’un geste sec.

Puis, il balbutia d’une voix rauque :

— Oui, je travaille… C’est le plan… le plan d’un roman… Mais je ne veux pas qu’on voie le travail en train.

Jacqueline restait interdite, abasourdie par la brutalité soudaine de Hans. L’écrivain parut honteux de son emportement devant le désarroi de la jeune fille ; il lui fit ses excuses avec des phrases caressantes, qu’il murmurait en litanies berceuses. Jacqueline, muette d’effarement, le considérait d’un air stupide. Alors, Hans redoubla de douceur, s’efforçant de calmer cette petite effrayée comme on cajole une bête prise au piège.

Le crépitement d’un appel électrique les sépara : on téléphonait de l’hôtel.

Hans se dirigea vers la cheminée, sur laquelle était posé l’appareil, et il saisit le récepteur. Son visage exprima une vive contrariété, dès les premières répliques. Il dit sèchement :

— Oui… Bien… Faites monter ce Monsieur.

— On vous annonce une visite ? questionna Jacqueline.

Hans riposta d’un ton bref :

— C’est votre frère.

Jacqueline s’inquiéta :

— Il va trouver ma présence incorrecte… Il aurait mieux valu me laisser partir avant de le recevoir !

Schwartzmann rétorqua immédiate-