Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/112

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ne meurt pas si vite. Alors, je serais revenu pour la voir partir ? Ce serait trop horrible, c’est impossible… Il y a trois ans que je vis loin d’elle… Nous faisons la guerre pour défendre notre foyer, et la vie civile tuerait nos parents !… Mais soignez-là donc… Vous ne faites rien… Oh ! c’est atroce… Je ne mérite pas ça !

Déprimé, devant le silence du docteur, François se mettait à gémir tout haut, pleurant sa douleur filiale avec les larmes d’un petit garçon.

Laurence restait inerte, elle. Ses yeux fixés sur Mme d’Hersac avec une expression d’hébétude contemplaient ce visage que la mort transformait déjà. Les joues prenaient une nuance verdâtre, le regard n’existait plus au fond des yeux immobiles, les traits devenaient rigides ; mais, la suprême horreur, c’était cette bouche ouverte, pendante, laissant apercevoir la langue accrochée au palais.

Jack Warton considérait la morte avec ce malaise du praticien, une fois la science devenue inutile.

Il regarda Laurence, la vit abîmée de désespoir ; if écouta la plainte de François ; pensa que ces deux peines allaient se fondre l’une dans l’autre, puisant une consolation à se sentir pareilles.

Alors, discrètement :

— Venez, Bessie, dit-il.

Et ils s’éloignèrent sans bruit, délivrant de leur présence étrangère ces deux enfants abrutis de chagrin.

Dans le vestibule, Jack proposa :

— Occupons-nous de toutes les formalités, afin de leur épargner ces coups d’épingle dans leur plaie.

— Je m’en charge, répondit Bessie.

— Alors, je puis rentrer à Neuilly ?

— Allez.