Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/113

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Ils se séparèrent. Bessie était trop impressionnée par la mort à laquelle elle venait d’assister pour remarquer l’attitude compassée de son fiancé envers elle. Elle était d’ailleurs très préoccupée par la mission qu’elle s’imposait, attristée d’avance à la pensée des formalités funéraires.

En une demi-heure, l’expéditive petite Américaine sut se débrouiller, envoyer le concierge à la mairie, tandis qu’elle courait à la maison de pompes funèbres qui « se charge de tout », et s’arrangea de manière à pouvoir cueillir le médecin des morts à la porte, dès qu’il arriva rue Vaneau, afin d’offrir aux deux orphelins le seul bien qu’elle pût leur faire : la grande charité du silence, de la solitude et du recueillement.

Tandis que le médecin de l’état-civil déposait dans l’antichambre sa canne et son chapeau, Miss Arnott entrait dans la chambre où François et Laurence, écroulés au pied du lit, restaient prostrés, anéantis, pétrifiés par la rapidité avec laquelle le sort nous frappe. Pan ! la vie, subitement, nous assène son coup de poing en pleine figure : « Saigne, tombe, relève-toi… peu m’importe : j’assomme et je passe », dit son indifférence.

Bessie tira les jeunes gens en arrière et murmura, avec une brusquerie émue :

— Allez de l’autre côté… j’ai arrangé toutes les choses… et ne vous mêlez de rien.

François reprit courage le premier, plus familiarisé avec la mort quotidienne et foudroyante. Il saisit la main de sa sœur et l’entraîna, obéissant docilement aux injonctions de Bessie.

Laurence et son frère s’asseyaient machinalement dans la pièce voisine : la salle à manger.