Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— François payait d’abord sa dette à la patrie : il pensait que la patrie sauvegarderait la dette de sa mère. Par malheur, entre le pays et ses défenseurs, il y a cet intermédiaire : le gouvernement. En temps de guerre, l’État — plus que jamais — ne songe à protéger que le capitalisme et le prolétariat. Il leur sacrifie la classe moyenne. Nous ne sommes pas de ceux qui lancent les emprunts nationaux, ni de ceux qui se mettent en grève : à quoi bon l’État se soucierait-il de nous ! Nous ne pouvons ni le consolider ni le menacer. Voilà pourquoi les préteurs hypothécaires jouissent d’une situation privilégiée : afin de trouver du crédit, le gouvernement juge politique de garantir la validité de toute espèce de créance d’argent placé.

Thoyer considéra avec une réelle stupéfaction cette enfant qui raisonnait comme un homme. Il s’exclama malgré lui :

— Vous êtes forte pour votre âge… Qu’est-ce que vous avez : dix-huit, dix-neuf ans ?

— J’ai trois ans de guerre, monsieur, répondit tristement Laurence.

À présent, un intérêt naissant se lisait dans les prunelles de l’homme d’affaires qui observait curieusement Mlle d’Hersac : l’intelli-