Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/28

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la jeune fille sentait la nécessité de prendre les responsabilités et les servitudes d’un chef de famille. Poids terrible pour ses dix-huit ans. Accablée par ses malheurs, soutenue par sa fierté, Laurence, frêle cariatide s’arc-boutait pour maintenir sa pierre avec l’effroi d’être écrasée.

L’affection passionnée qui l’attachait à sa mère et à François l’imprégnait d’énergie pour protéger la malade et leurrer le combattant.

— Allons, mademoiselle Laurence, ne nous endormons pas !

À l’accent familier du patron, la jeune fille sursautait et recommençait de s’appliquer.

— Cinq manteaux homespun, doublés soie, deux cent vingt-cinq francs ! lançait la voix d’un commis.

Laurence, la tête basse, écrivait de nouveau.

Les chiffres ronflaient. Les paquets de vêtements tombaient aux pieds de Litynski qui s’absorbait, une préoccupation intense contractant sa figure de blond congestionné.

— Deux costumes, modèle Bérénice, garnis d’opossum, trois cents francs !

Soudain, un bruit inusité domina le vacarme de l’inventaire. Du dehors, on frappait violemment à la parte du magasin dont les vantaux étaient fermés.

M. Litynski leva la main d’un geste impé-