Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/38

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confirment dans cette opinion. Dans ce cas, les soins que je puis lui prodiguer ne pressent pas, à quelques heures près…

Les yeux agrandis, Laurence questionne d’une voix blanche :

— Si je vous comprends bien… c’est qu’il n’y a plus d’espoir ?

— Soyez courageuse.

— Et vous me laissez repartir toute seule !

— Elle n’est pas en péril imminent… Elle vivra encore quelque temps, répond le médecin avec une involontaire cruauté. Vous pouvez m’attendre sans crainte.

Il ne comprend pas, il ne peut pas comprendre l’atroce déception de Laurence qui vient de faire trois heures d’auto dans l’espoir de le ramener et qui doit revenir seule… Elle n’insiste plus. Elle connaît son médecin depuis de longues années et lui sait la fermeté invincible des hommes doux. Il n’élève jamais la voix, mais ne revient jamais sur sa décision.

Elle s’affale plutôt qu’elle ne remonte dans l’auto, en disant au chauffeur :

— Ramenez-moi à Paris, rue Vaneau… le plus vite possible !

La course folle recommence. Cahotée par les secousses de la voiture, Laurence se cramponne aux embrasses des portières. Soudain, un arrêt brusque la jette contre la vitre.

Elle crie anxieusement :

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Le chauffeur est déjà à quatre pattes sous le véhicule et fourgonne armé d’un trousseau d’instruments. Ça dure quelques minutes. À la fin, il se relève et grommelle :

— Nom de nom… quelle déveine !… C’est une réparation qui demande au moins deux heures et je n’ai même pas les outils nécessaires !

Autour d’eux, la campagne s’étend à perte de vue, désespérément vide.