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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/81

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point Bessie de songer au drame intime qui l’avait émue à Paris.

François d’Hersac, dès que son service lui en laissait le loisir, se rendait au camp américain et rejoignait Bessie chez le colonel Blakeney. La jeune fille s’employait avec un tact charmant à lui adoucir ces heures torturantes. François l’écoutait et la regardait. Il entendait mal ses paroles de réconfort, mais il subissait l’influence apaisante d’une consolation féminine apportée par un joli visage. Par la grande loi de nature, l’attraction des sexes est le remède de la douleur humaine, parce que le symbole qui engendre la vie est le seul espoir qui puisse nous faire accepter l’idée de la mort. À cet instant, Laurence eût eu moins d’empire sur son frère que cette étrangère. François ne le soupçonnait point, mais il allait en acquérir la preuve.

Durant l’un de ses entretiens avec Bessie, il se reprocha d’être inattentif : tandis que la jeune fille lui contait sa première rencontre avec Mlle d’Hersac, François se demandait, préoccupé par ce grave problème : « Est-elle plus jolie en homme ou en femme ? »

Et il s’efforçait de fixer sa préférence : évoquant le frêle gamin évanoui qu’il avait serré dans ses bras, si drôle, si fluet, si singulier de charme ambigu dans son désordre : la veste de cuir ouverte révélant un buste d’adolescente ; et les hanches trop accusées, les jambes trop rondes qui sortaient des grandes bottes de soldat…

Il pensa : « Décidément, elle était irrésistible comme cela ! »

Puis, ses yeux se posaient sur la douce figure qui lui souriait ; et, devant cette physionomie si jeune qui s’attristait pour lui, touché par la bonté généreuse qui le défendait