Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/9

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adolescents avec son indulgente condescendance d’aîné. Arrivé à un âge qui est presque l’âge mûr pour l’Américain, le chirurgien éprouvait cette mélancolie que ressentent tous les hommes d’expérience lorsqu’ils s’éprennent d’une femme beaucoup plus jeune qu’eux. La frivolité, la gaieté, la folle jeunesse de Bessie, qui l’avaient subjugué, l’attristaient par un retour sur lui-même. Il s’affligeait de se sentir si supérieur à cette enfant, déjà las et blasé quand elle rayonnait d’espérance.

Pour chasser cette impression passagère, il s’écria, ramenant la conversation au ton général :

— Est-ce qu’une vraie Américaine devrait afficher des préoccupations personnelles, quand toutes les nations civilisées ont les yeux sur nous et chantent un hymne à la gloire de l’Oncle Sam ?

Bessie tourna son visage rieur vers Jack Warton. Elle répliqua d’une voix claire :

— Une vraie Américaine pratique le culte de la volonté ; c’est sa puissance, sa seule loi, grâce à quoi elle peut accomplir de grandes choses…

Elle conclut, avec une nuance de rancune et de tendre menace dans son accent léger :

— Et vous verrez qu’elle arrive toujours à ses fins, la nièce de l’Oncle Sam !

II

Rue de Rivoli ; onze heures du matin. Un joli ciel parisien, d’un bleu de pastel que le soleil d’été poudrait de lumière blonde.