Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avez à peine trente ans. Vous n’éprouvez donc aucune joie, dans la rue, dans un musée, quand deux jeunes rapins, se retournant sur vous, chuchotent : « C’est Thérèse Robert » ?

— Je donnerais tous mes succès pour les entendre murmurer : « La jolie fille ! »

— C’est si bref, ce plaisir-là : la vieillesse nous guette bientôt et nous distille, goutte à goutte, les tortures de sa déchéance. Les jolies femmes meurent deux fois, et c’est bien triste de se survivre.

— Qu’importe ! On a vécu. Le talent, la fortune, la gloire : voilà le bonheur des hommes. Mais, nous autres !… Ne sommes-nous pas créées pour l’amour, rien que pour l’amour ? Fillettes, nous adorons la poupée : cette parodie du fruit de l’étreinte. Notre adolescence frissonne au soupçon du mystère sexuel. Nos livres nous bercent d’idylles permises, et dans tous ces romans roses, l’héroïne est parée d’attraits enchanteurs… Vous plaignez celle qui survit à sa beauté : quelle pitié réserverez-vous à celle qui doit vivre avec sa laideur !… Moi qui ai reçu l’éducation sentimentale de mes pa-