Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/117

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— J’ai commencé à faire l’épreuve de ce fameux amour, vers seize ans et demi… Je m’imaginais être adorée d’un jeune homme auquel on m’avait fiancée… Sa cour pressante, ses fadaises passionnées me leurraient aisément… Je le chérissais très ardemment, avec mon petit cœur tout neuf d’adolescente… Un soir, son père se présenta chez mes parents et, devant moi, cyniquement, leur reprit sa parole à cause d’une erreur sur le chiffre de la dot… Je pensai : « Il est en dehors de cela, il m’aime, il se brouillera avec sa famille afin de m’épouser. Je vais le revoir demain… » Je l’attendis huit jours, anxieusement confiante… Après cette première désillusion, je dus m’aliter plus d’un mois. La guérison me transforma : la douce fillette devint une petite rosse, sceptique et provocante… Je scandalisai les bourgeois bien pensants par mes propos subversifs, et je me mis à haïr le mariage, en gamine sensible, trop tôt désabusée. Personne ne demanda plus ma main ; j’étais décrétée dangereuse ; mais, à la faveur des soirées mondaines, les époux flirteurs m’enseignèrent des marivau-