Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/118

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dages chers aux demi-vierges. Dégoûtée, je me cloîtrai dans une solitude farouche. À vingt ans, je faisais des vers satiriques que publiaient les jeunes revues et des articles licencieux pour un journal qui ne payait pas : distraction de fille lettrée, qui, jusque-là, avait bâillé sa vie, compté les heures, dévoré les quinze cents volumes de sa bibliothèque, sans parvenir à comprendre le goût démesuré que certaines gens manifestent pour l’existence.

» …Et puis, plus tard, je me revois toute seule, majeure, orpheline de père et de mère… Je continuais d’écrire à droite et à gauche ; mes satires politiques dans une petite revue royaliste m’entre-bâillaient la porte d’un grand journal réactionnaire ; je devenais la petite Clarel, l’obscure lettreuse croisée un peu partout, d’une rédaction à l’autre… Un beau matin, le prince de Lesparre achetait notre journal : le Drapeau Blanc… Un hasard me plaçait en face du nouveau directeur, un jour où je passais devant son bureau ; je distinguais mal son visage fripé de grand blondin quinquagénaire, trop chic, trop snob, trop élégant. Lui, avait