Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/120

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de penser noblement quand on ne pense que pour vivre. » Ce me fut une espèce de révélation… Je songeai : « Comment ! tu mènes une existence lamentable, tu fréquentes des gens malpropres, tu cours les journaux et les théâtres, ainsi qu’une besogneuse en quête de deux louis ; et tu possèdes l’indépendance qui te permettrait de garder ton temps pour une œuvre peut-être utile ! » Du jour au lendemain, je changeai : je fus la casanière que vous connaissez ; je travaillai joyeusement, obstinément… Je déchargeai mon âme de sa jeune expérience en notant mes observations : j’écrivais un roman imaginaire où il n’y avait rien de moi, où, pourtant, chaque événement de ma vie privée formait une pièce de la mosaïque. Et puis, je cherchai à publier mon livre… L’accueil facile et probe de mes éditeurs me causa une agréable surprise : j’avais découvert un métier lucratif en croyant faire un essai d’art. La critique de Lorderie, sur mon bouquin, me valut d’entrer en rapports avec Jacques… Je le prenais pour un bon garçon, sans vices… son honnêteté me reposa deux ans :