Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/142

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en quelque sorte, déséquilibrée : jugeant que tout lui était dû, elle s’estimait lésée par le sort et son amertume exagérée la rendait implacable. Somme toute, si Lorderie l’avait gravement offensée, elle n’en était pas suffisamment éprise pour se livrer aux cruautés que suggèrent les grandes douleurs. Sa fierté seule souffrait ; or, le sadisme raffiné de sa vengeance outrepassait l’affront reçu. Quelle femme ! pensait Fargeau : si lucide, si intelligente, lorsqu’elle raisonne sur des généralités, elle devient tout à fait insensée quand sa personnalité est en cause. Elle est la première victime de son caractère : combien de gens s’insurgent ainsi contre leur fortune sans se douter que leur plus grand malheur fut de naître mécontents !

Il poursuivit ironiquement : « Comme je la jauge bien, hors de sa présence ! J’ai l’impression exacte du petit être absurde qu’est cette créature dangereuse et morbide… Et si, tout à coup, elle était devant moi, je ne songerais qu’à me griser du parfum de sa chevelure ! »