Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/188

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pour rien ! La plupart du temps, je restais muet, contraint, assis gauchement vis-à-vis d’elle ; et si je me décidais à parler, mes phrases étaient d’une banalité stupide. Mais, ma maladresse même persuade Denise de mon amour supposé : la réputation que l’on m’a faite la dispose à juger ce manque d’aisance comme l’hommage d’un libertin envers une vertueuse aimée. Un fait très significatif : elle avait tenu Jacques au courant de mes deux premières visites… Je me suis aperçu, depuis, qu’elle lui taisait les suivantes.

— Bravo, murmura doucement Francine.

— Oh ! Ne chantez point victoire. Je crois avoir compris absolument ce caractère de femme ; c’est la petite bourgeoise dont l’adolescence fut nourrie de lectures morales et romanesques ; elle s’est mariée à vingt ans avec un jeune homme de vingt-quatre qui l’épousait pour faire sa vie, parce qu’elle est la cousine du directeur de l’Écho et qu’elle lui procurait des relations, une situation. C’était le classique petit ménage ; elle, trop jeune pour avoir des sens, lui, trop calme pour l’en-