Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/243

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« Allez là-bas », je lui obéissais sans avoir conscience… Demande à ta femme si jamais un mot de galanterie s’est échappé de ma bouche : devant Denise Lorderie, j’étais toujours figé de honte tel un ivrogne dégrisé. Et enfin, aujourd’hui, Francine m’a envoyé chez toi après m’avoir exalté du goût de ses lèvres et du parfum de ses cheveux… Dire qu’elle complotait à ce moment même de me calomnier à tes yeux en me plaçant dans une situation où les apparences semblent plus probantes que la vérité. Conviens que je suis aussi malheureux que blâmable, Jacques, puisque celle qui m’a joué avec tant de perfidie, je l’adore malgré moi… Et ce soir, vois-tu, ce soir où tu m’as supposé coupable : justement, je n’ai jamais senti avec plus de force que je serais incapable d’accomplir cette vilenie… Ta femme, étonnée, inquiète de notre tête-à-tête embarrassé, a usé d’un subterfuge si délicat et si touchant en allant réveiller sa fille afin de mettre un peu d’innocence entre nos âmes troublées… Dans cette atmosphère bourgeoise, devant cette enfant charmante, j’ai recouvré soudain mon bon sens.