Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/26

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amours qui s’éternisent… Tu es heureux, joli garçon !

— Peuh !… Si tu crois que c’est gai, d’être consacré joli garçon !… Depuis le temps qu’on me prête ce rôle d’Antinoüs, il finit par m’horripiler.

Fargeau, l’air excédé, poursuivait d’une voix âpre et sincère :

— La beauté ! Nous l’avons remisée avec les chlamydes et les nudités splendides de l’antiquité : aujourd’hui, c’est un luxe démodé. T’imagines-tu Apollon en redingote ? Chez l’homme moderne, la perfection plastique n’est qu’un ridicule de plus… Et puis, cela m’exaspère de devoir mes succès à ce que je méprise en moi ! Mon cœur, mon esprit, mon âme, ça ne compte pas aux yeux des femmes : elles aiment seulement mon visage. Aucune de celles qui ont traversé mon existence n’a daigné m’apprécier pour un autre motif que ces stupides agréments extérieurs… Maman était fière de mes boucles blondes plus que de mes progrès en latin ; mes maîtresses se donnent, dès leur premier regard… Seigneur,