Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/29

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de vingt-trois ans, simplette et pas vilaine avec ses grandes prunelles sombres qui lui mangeaient toute la figure, — une petite figure fine et mobile de nerveuse impressionnable… Dans notre carrière, il est assez rare de rencontrer une intellectuelle qui ne soit ni laide ni prétentieuse. Je le lui dis naïvement : « C’est chic, une petite bonne femme comme vous, qui a du talent… et des yeux tout de même ! » Elle riposta, malicieuse : « Faut-il donc être frappée de cécité pour savoir écrire ? » Enfin, ce soir-là, je m’épris d’elle — brusquement… Je lui pressais les doigts, la paume des mains, en lui parlant de son livre… J’étais plus ému qu’un potache. Elle, reconnaissante, enfiévrée par l’aube de succès que lui prédisait mon article, céda très facilement… Ce fut une idylle délicieuse — et brève. Ah ! mon ami : quelle rosse !… Figure-toi qu’elle se met tout à coup à prendre son métier au sérieux, elle travaille avec une obstination d’ambitieuse, pond trois romans en deux ans, me révèle un tempérament de fer, une volonté froide qui calcule, mesure la durée du plaisir, ignorant les fai-