Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/309

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Elle vint s’asseoir sur ses genoux ; mutine, elle approcha son visage de Maxime et, happant la bouche du jeune homme entre ses lèvres, elle la mordilla légèrement. Puis, cédant à un accès d’abandon, elle avoua sans coquetterie :

— Il faut me prendre telle que je suis… amoureuse — mais pas affectueuse… amante — mais guère aimante… Et encore… je sais donner du plaisir sans en éprouver beaucoup moi-même… Voyez-vous, j’ai essayé, dans le temps, de vivre par mon cœur et ma chair : je suis bien mal tombée ; on m’a fait souffrir… J’ai coupé court aux sentiments, pour ne point achever de gâter mon existence. Aujourd’hui, je goûte à l’aventure ainsi qu’à un vin nouveau et je brise mon verre dès qu’il est vide… et j’oublie l’ivresse sitôt qu’elle s’est dissipée. J’avais fermé mon âme au cadenas : c’est l’ambition qui en a trouvé le mot. De ce côté, pas de déception au moins : depuis que la fièvre d’arriver s’est emparée de moi, j’ai connu des joies d’autre sorte — plus âpres, plus fortes, plus sûres… J’ai rêvé d’atteindre un but et le