Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/318

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priété exclusive ; aujourd’hui, elle appartient à tout le monde, sauf à lui : le passant la feuillette négligemment ; le libraire l’expose en piles majestueuses ou la place à l’écart ; l’éditeur la présente, l’annonce à sa guise, — et insinue à l’écrivain devenu inutile qu’il ferait bien mieux d’aller travailler à son prochain roman que de s’occuper d’une affaire qui, désormais, ne le regarde plus.

Trépidante, piaffant d’impatience, assaillie de pressentiments sinistres — guerre imprévue, désastre, catastrophe interrompant la vente : « Mon Dieu ! pourvu qu’on n’assassine pas le président de la République ! » — Clarel se glissait parmi les lecteurs qui bouquinaient à la devanture de Stock ; et elle considérait ses livres empilés les uns sur les autres, bien en vue. Superstitieuse, elle se dit : « S’il y en a un nombre impair, c’est que la vente marchera… » et, puérile, faillit pousser un cri de joie après avoir compté sept exemplaires.

Elle avisa une horloge : cinq heures un quart.

Elle sembla se rappeler un rendez-vous