Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/51

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— Et les femmes vertueuses ? objecta Fargeau mi-railleur, mi-convaincu.

— Oh ! monsieur, protesta Francine en badinant. Notre vertu !… Vous y croyez encore ? Seriez-vous contemporain de Joseph Prudhomme, par hasard ? Vous êtes encore vert pour votre âge. La vertu !… C’est un objet de toilette dont la femme se pare ostensiblement aux yeux du monde, mais qu’elle dépose parfois dans un coin — comme un parapluie au vestiaire — ou qu’elle égare par inadvertance — ainsi qu’on oublie ses gants chez le pâtissier. Pourtant, cet objet se porte beaucoup (étant très bien porté) et la mode en varie suivant les âges. À vingt ans, la vertu nous fait l’effet d’une défroque de grand’mère, aussi désuète qu’une crinoline : l’étaler nous semble ridicule. C’est une vieille chose surannée : nous la cachons — comme un cheveu blanc. Seules, les disgraciées s’en taillent un uniforme dès l’adolescence, telles ces blondes qui gardent éternellement le deuil, parce que le noir leur va bien : la vertu est la coquetterie des laides. À trente ans, nous commençons à comprendre son