Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

confrères : son visage est encore trop appétissant pour qu’elle ait des camarades… Il n’y a que les laiderons comme moi qui connaissent la douceur des amitiés masculines.

Fargeau n’écoutait plus. Il regardait Clarel, étonné de l’émotion profonde qui l’étreignait devant cette femme presque étrangère ; de cet élan de sympathie, — sentiment impétueux qui l’emplissait de joie et de tendresse, de fièvre et d’inquiétude, et dont il sentait la force aux battements de ses artères… Diable ! Mais un intérêt aussi vif envers une connaissance de fraîche date, cela ressemblait terriblement à cette forme de démence que le populaire nomme : béguin. Il songea, inquiet : « Est-ce que je serais pincé, par hasard ? »

Depuis une demi-heure, il subissait le charme qui se dégageait de Clarel ; il aimait ses gestes harmonieux, ses yeux expressifs, sa voix vibrante et son esprit prime-sautier, entraîné au jeu des phrases par le travail quotidien. À présent, elle l’effrayait presque.

Il réfléchit : « Pas de bêtises… Je n’ai jamais eu de passion. Ma femme est une inno-