Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propos avec lequel, ce soir, j’ai saisi l’occasion d’étaler ma science toute nouvelle — travestie en souvenir ancien.

Thérèse reprocha, et sa voix se nuança de mélancolie :

— Moi qui vous croyais si franche !… Quelle raison vous inspira ce mensonge inutile ?

— Inutile !… Très utile, au contraire… La meilleure manière de séduire un monsieur qui écrit, c’est de se décréter lectrice fanatique des moindres lignes signées par lui. Le même procédé peut servir au sexe fort à l’égard d’une femme de lettres… Marie Tudor gémissait : « Si l’on ouvre mon cœur, on y trouvera le nom de Calais ! » Si l’on ouvrait le cœur d’un écrivain, on y trouverait la liste complète de ses œuvres.

Thérèse interrogea, après un long silence :

— Monsieur Fargeau vous plaît beaucoup ?

Francine eut un regard farouche :

— Oh ! non, par exemple… Il m’est souverainement antipathique, ce bel orgueilleux aux faciles victoires… Je n’aime pas les hommes qu’on aime trop.