Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/71

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froid. J’ai aimé, comme une bête s’abreuve — en regardant ailleurs… Je me jugeais inaccessible. Puis un jour, passe la femme qui doit m’émouvoir. Elle est moins belle que certaines maîtresses dédaignées jadis, elle n’est point incomparable… Et pourtant, la vue de sa chair, le son de sa voix, ses charmes devinés sous le corsage échancré ou la jupe qui se retrousse un peu, me font tressaillir jusqu’à l’âme… Étrange phénomène : cette prédestination amoureuse qui vous pousse vers une créature, invinciblement, sans que l’on sache pourquoi ! »

— Peut-on vous demander quel est le sujet qui vous hante, monsieur le taciturne ?

Fargeau sursauta. Après un temps, il répliqua, imitant l’enjouement de Francine :

— C’est un sujet désastreux… J’étais en train de constater que je me comporte avec vous à la manière d’un balourd trop sociable : il y a quinze jours que je vous connais et je suis déjà venu six fois !

— Vous faites comme les médecins : vous comptez vos visites.