Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/74

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trop prompte l’étourdit de bonheur, le grise de victoires ; où la haine des jaloux consacre son talent (car, le vinaigre de l’envie n’assaisonne que les meilleurs plats) — l’homme de lettres, oubliant les instants sincères de noble et sublime faiblesse, déploie l’éventail de sa vanité, tel un paon déploie son plumage.

Ainsi le divin maçon qui rebâtit la muraille de Troie courbe son front poudreux jusqu’à terre, salit ses mains d’argile et de boue, avilit son être à ce labeur indigne ; mais, l’œuvre terminée, redresse haut, vers le ciel, son corps fier où coule le sang des dieux, et se rappelle soudain qu’il se nomme Apollon…

Fargeau, croyant deviner une avance dans l’attitude de Clarel, orienta l’entretien vers le but qu’il souhaitait. Il insinua, d’une voix malicieuse où chevrotait une note fébrile :

— Savez-vous que votre liberté charmante et notre bonne camaraderie m’incitent à vous poser des questions indiscrètes… des questions que n’oserait faire un ami très ancien ? Vous avez eu tort de me gâter : je suis un vieil enfant mal élevé.