Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/98

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— Salir ainsi un amour de deux ans… Car, je l’aimais … J’ai une ambition effrénée, je ne m’en cache pas… Or, pour moi, Jacques était le premier homme qui crût à mon avenir, qui m’encourageât, de sa parole et de sa plume. Vous le connaissez : il est très complaisant envers ses amis. Je ne sais pas fermer les yeux, malheureusement… Je suis trop clairvoyante… Quelques semaines de liaison, et j’avais jugé Lorderie : un esprit médiocre, une volonté paresseuse. Je me jurai d’en faire quelqu’un. Je m’efforçai de le stimuler, de tirer une originalité de ce talent endormi… On ne devrait pas divulguer ces choses : mais combien de fois n’ai-je pas retapé son ouvrage, glissant la phrase pittoresque qui allège une période monotone, le mot qui pétille à la fin du dialogue… Vous avez constaté de quelle façon mon zèle fut accueilli : c’est étonnant comme une femme qui veut être utile paraît embêtante. Après tout, Jacques a peut-être raison… Les maîtresses les plus niaises sont les mieux chéries, et depuis qu’on a mis une cervelle dans la tête de sa poupée, l’homme se plaint d’avoir un