Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/186

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S’il avait suivi son impulsion, il n’eût pas levé un doigt, dans le but de faire arrêter ou non le banquier Landry Colin… Et si Léon Brochard se mêle aujourd’hui de cette affaire, si Léon Brochard abandonne son ami, affronte les campagnes de presse et les menées de ses adversaires politiques : c’est simplement pour avoir la joie de voir une petite femme capricieuse s’humilier devant lui ce matin, madame. Oui. Ne souriez pas d’un air incrédule, ne criez pas à l’invraisemblance… Au palais blasé, il faut la saveur d’un piment nouveau : j’ai ouï dire qu’un prince chinois anoblit son cuisinier parce qu’il avait le secret de servir chaque jour un mets inconnu… Moi, je vendrais mon âme pour réveiller mon goût, perdu à force d’être rassasié. Et qu’était-ce qu’un banquier de plus ou de moins sur le marché, qu’une affaire à ajouter aux Panamas et autres isthmes, qu’un peu d’énergie à dépenser, d’intelligence à montrer, d’honneur à risquer — dites, chère amie, qu’était-ce tout cela, en regard du plaisir délicieux de vous tenir là, frémissante, tremblante, implorante, et de vous déclarer bien tranquillement : « Non, madame, trop tard. Vous êtes exquisement jolie, mais je ne veux pas de vous.