Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/268

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amant. Prudente, elle évite une confidence :

— Rien ne me tracasse, rien du tout… Seulement, j’ai passé l’été à Aix ; je me suis décavée : j’ai dû rapporter à Paris ma tête de mauvaise joueuse… Eh bien ! et Nicole… C’est à elle, plutôt qu’il faudrait poser votre question… Voyez sa figure à l’envers… Qu’est-ce que tu as ?

J’imite l’attitude de Nadine et je riposte à côté :

— J’aurai vingt-quatre ans demain… Or, mes anniversaires m’apparaissent déjà comme un épouvantail de l’âge futur, une espèce de borne kilométrique annuelle je lis les distances qui me séparent encore de la première ride… Les hommes possèdent bien des dons : l’esprit, le talent, le caractère, le prestige de la gloire… Nous autres femmes, nous n’avons qu’une richesse véritable : notre jeunesse… On aimera toujours un vieil homme illustre : on ne s’éprend plus d’une femme aux cheveux gris. Chaque fois que revient la date de ma naissance, je passe par les transes d’un avare forcé de dilapider son trésor : dans la sacoche des années, avec un cuisant regret, je jette l’or pur de mon printemps… Voilà pourquoi,