Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/42

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son envergure peut être pour moi pendant cette période difficile. Malheureusement, ce satané Bouvreuil commence à m’inquiéter, avec son journal ; le misérable possède deux armes toutes-puissantes : la publicité et le chantage ; je le crois fort capable d’employer l’une et l’autre. Si, quelque jour, un scandale machiné par l’Agioteur allait m’éclabousser, Léon Brochard, bien que mon ami intime, persisterait-il à me défendre ?… Les amis quittent votre maison avec votre bonheur, tout comme l’âne s’éloigne du pré quand l’herbe est broutée. L’adversité et la trahison, ce sont deux bateaux qui voguent de conserve… Je ne suis pas assez sûr de l’affection de Brochard pour ne me fier qu’à son cœur : il faut que je le tienne autrement, ce vieux renard, au cas d’un esclandre, que j’appréhende, que je flaire, dont j’ai l’intuition terrible… Nicole !

Une pause. Le banquier m’enveloppe d’un regard expressif, aux lueurs troubles. Il reprend à voix basse :

— Léon est un homme extraordinaire… L’âge semble n’avoir aucune prise sur cet être d’airain. Je l’ai vu vivre : surmenage physique, surmenage intellectuel, il s’est usé de toutes