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Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/13

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célèbre pour son talent d’ironiste inspirait une sorte d’admiration craintive.

Marcel reprit :

— Monsieur Tardivet, croyez-vous aux coïncidences ?

Très honoré que l’écrivain daignât le consulter sur un sujet étranger aux affaires de Bourse, le caissier se souleva à demi et répondit d’un air avenant :

— Mon Dieu oui, monsieur d’Arlaud, je crois aux coïncidences… La vie est faite de rencontres. Ainsi, tenez, un jour, en 1914, un mois avant la guerre…

Marcel connaissait par expérience la verbosité des timides qui semblent se rattraper de leur silence dès qu’ils se sentent rassurés. Aussi coupa-t-il brusquement :

— Tardivet, avez-vous une fille ?

— J’en ai même trois, monsieur d’Arlaud.

— Fichtre ! Je n’en demandais pas tant…

Ahuri, le caissier considérait Marcel avec appréhension. L’écrivain poursuivit, imperturbable :

— Laquelle se nomme Suzanne ?