Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/201

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en lui laissant croire qu’elle l’aimait comme un pauvre garçon. Mais, peu à peu, en voyant quelle passion reconnaissante, quelle gratitude éperdue elle inspirait à Abel, Denise fut émue d’une grande émotion vraie ; et, à son tour, prise dans ses propres filets, elle ressentit pour lui un profond et mélancolique amour qui s’effrayait sans cesse à la pensée que sa supercherie première fût découverte un jour et lui retirât la confiance de ce cœur si défiant. Ce jour est arrivé, monsieur. Quelle que soit la sincérité de ma sœur, les apparences sont contre elle. En renversant l’abominable plan de Marcel d’Arlaud, j’ai brisé du même coup l’avenir de Denise. Demain, averti par vous, sinon par d’Arlaud, du rôle qu’elle a joué, Abel rompra brutalement avec elle. Car, vous l’assimilerez à Gilberte ; et vous confondrez pareillement la duplicité des deux sœurs.

Suzanne conclut avec une fierté désespérée :

— Je vous dis ces choses parce que je les sais d’ores et d’avance inutiles : je ne plaide pas une cause perdue ; mais j’ai voulu simplement vous expliquer ces larmes bêtes qui m’ont vaincue