Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/70

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pétait d’une voix sifflante, arrondissant sa bouche menue frottée de carmin, fronçant d’épais sourcils qui demeuraient résolument noirs sous la frange dorée d’une chevelure vénitienne.

L’interpellé manifestait son mécontentement par une froideur gourmée, sans répondre ; et cependant, il abhorrait ces algarades tapageuses. C’était un homme d’une cinquantaine d’années, soigné, chic et quelconque, d’une banalité étudiée : ses sentiments ne devaient pas faire plus de plis que ses vêtements, son âme et sa figure avaient cette netteté désolante des surfaces lisses. Il était poncé et poncif.

Ce personnage représentait pourtant l’une des énergies les plus productives de la haute finance : le nom du banquier Henry Salmon est universellement connu. Mais il laissait sa personnalité dans son bureau comme un veston de travail que l’on quitte, la besogne finie. En dehors de ses affaires, c’était le snob le plus terne et le plus élégant du monde, rivalisant de nullité avec les oisifs aristocratiques qu’il avait la faiblesse d’envier : cette faiblesse, commune à la plupart des israélites, est le défaut de la cuirasse juive.