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ÉLOGE DE MONTESQUIEU

teuses voyes de corruption, de cruels moyens de tyrannie.

La levée des tributs et la grandeur des revenus publics ont un rapport étroit avec la liberté.

Pour que le gouvernement se maintienne, ces tributs doivent être réglés de manière à ne pas prendre sur les besoins réels du peuple, pour des besoins imaginaires de l’État. Ces besoins imaginaires sont ce que demandent les passions ou les faiblesses de ceux qui gouvernent, le charme d’un projet extraordinaire, l’envie malade d’une vaine gloire, et une certaine impuissance d’esprit contre les fantaisies. Les impôts, toujours proportionnels à la liberté, doivent être très légers dans les États despotiques ; ils peuvent l’être beaucoup moins dans les monarchies, et beaucoup moins encore dans les républiques, surtout dans la démocratie, où chaque citoyen les regarde comme le prix de sa liberté !

Les impôts portent sur les personnes, sur les terres, sur les marchandises.

L’impôt par tête est plus naturel à la servitude. L’impôt sur les marchandises est plus naturel à la liberté ; il est même le moins onéreux de tous, car on le paye presque sans s’en apercevoir, lorsqu’il est proportionnel aux prix de la chose ; mais il importe qu’il soit toujours levé sur le marchand.

Le nécessaire physique ne doit jamais être taxé, l’utile peut l’être, mais moins que l’agréable et le superflu.

Quant à la manière de lever les impôts, la régie est préférable à la ferme, parce qu’elle est l’image de l’administration d’un bon père de famille, qui lève avec économie ses revenus ; parce qu’elle fait entrer dans le fisc public le produit total ; parce qu’elle épargne à l’État les profits immenses des traitans, et au peuple une infinité de loix cruelles qu’ils arrachent au prince.