Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/126

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table ; force bouchons sautèrent au plancher, et le vin pétilla dans les verres. Lorsque les têtes de ces maîtres-valets furent bien échauffées, mille propos injurieux à la nation et à ses fidèles représentants furent répétés par échos ; mille imprécations suivirent. Au fort de ces accès de fureur, le roi, la reine et le dauphin parurent au banquet. Qu’on juge de l’exaltation que produisit la présence de la famille royale, qui ne dédaignait pas de descendre du trône pour se confondre parmi de simples sujets ! L’héritier de la couronne passa de mains en mains, et les témoignages de dévouement furent portés jusqu’au délire. Touché de ces transports, le roi but avec la troupe fidèle, et la reine détacha de son cou une croix d’or, dont elle fit cadeau à un grenadier. Les cris de Vive le roi ! Vive la reine ! qui se firent entendre à tous les coins de la salle, ne furent interrompus que par de nouvelles imprécations contre de célèbres amis de la liberté, et par la romance : Ô Richard ! ô mon Roi ! l’univers t’abandonne. Les accents de la voix qui se faisait entendre, transportèrent les convives, qui s’écrièrent en chœur : « Nous ne reconnaissons que notre roi, nous ne reconnaissons que notre roi, nous n’appartenons point à la nation, nous ne voulons appartenir qu’à lui » ; et bientôt arrachant de leurs chapeaux la cocarde patriotique, ils la foulèrent aux pieds : des serments furent prononcés, et on ne se sépara que pour se réunir peu après.

Le surlendemain, nouvelle orgie dans l’hôtel des gardes-du-corps. Les mêmes personnages y figurèrent ; mais la famille royale n’y parut pas. Pour rendre la fête plus gaie, on y appela des nymphes, et on y joua à mille petits jeux gaillards : les imprécations recommencèrent contre les fidèles représentants de la nation, et les serments de fidélité au monarque ne furent pas oubliés.

Un petit groupe de conjurés venait de figurer à l’œil-debœuf. Trois femmes de la reine y avaient apporté un magasin de rubans : elles en décorèrent les chapeaux des