Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/130

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donner ordre à l’armée de s’abriter. Sur les cinq heures, 400 assassins gagnèrent la terrasse, on ne sait par où, renversèrent les sentinelles, et cherchèrent à pénétrer dans le château. Les Suisses et les valets-de-pied en barricadèrent l’entrée ; l’alarme fut générale, les grenadiers accoururent, s’emparèrent de tous les postes, jusqu’au cabinet où la famille royale s’était retirée, avec les ministres et les commandants-généraux des milices nationales.

La troupe d’assassins disparut. À la pointe du jour, les gardes nationales remplirent les cours du château et la place d’armes ; un grand nombre entra dans les appartements, arrêta plusieurs gardes-du-corps, dont six furent massacrés, et deux eurent la tête tranchée dans la cour des Ministres. À la prière du Roi, on fit grâce aux autres. Enfin la famille royale fut conduite à Paris, pour la soustraire aux projets des ennemis de l’État.

Qu’on rapproche maintenant les principales circonstances de cette horrible trame ; les tentatives de M. Necker[1], pour

  1. Je crois avoir prouvé que le renvoi de M. Necker, le 11 juillet, n’était qu’un trait de mépris de la part des conjurés, qui présumaient pouvoir se passer désormais de lui. Mais cette disgrâce, si méritée, où la nation n’aurait dû voir qu’un ministre plus que suspect, et où elle ne vit qu’un martyr de la liberté, le reporta sur l’autel : le peuple le rappela à grands cris ; et en vengeant le prétendu défenseur de ses droits, il crut ne venger que sa propre cause.

    L’observateur qui sait rapprocher les faits, combiner les événements, et remonter à leur source, ne peut s’empêcher de placer M. Necker à la tête des conjurés. Il était au fait de tout ce qui se tramait son simple silence sur les longs et terribles apprêts du blocus de la capitale dépose hautement contre lui. Mais si la première conspiration ne suffisait pas pour le convaincre de trahison, la seconde ne laissera aucun doute. Qui ne sait qu’alors il dirigeait seul toutes les opérations du cabinet ? Qui ne sait qu’il avait à ses ordres la faction criminelle des États-Généraux ? Qui ne sait qu’il disposait de la municipalité de Paris, de celle de Versailles, de presque tous les chefs des milices nationales ? Or, les manœuvres