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Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/137

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point ici de mon caractère moral ; mais de votre justification. Quand je prêterais autant à la censure que j’y

    qui sont les miens, ont répandu dans le monde qu’elle était vendue : ce qui, d’après le caractère connu des gens de lettres du siècle, n’était pas difficile à persuader à qui ne m’a point lu. Mais il suffit de jeter les yeux sur mes écrits, pour s’assurer que je suis peut-être le seul auteur depuis J.-J. qui dût être à l’abri du soupçon. Et à qui, de grâce, serais-je vendu ? — Est-ce à l’Assemblée nationale, contre laquelle je me suis élevé tant de fois, dont j’ai attaqué plusieurs décrets funestes, et que j’ai si souvent rappelée à ses devoirs ? — Est-ce à la couronne, dont j’ai toujours attaqué les odieuses usurpations, les redoutables prérogatives ? — Est-ce au ministère, que j’ai toujours donné pour l’éternel ennemi des peuples, et dont j’ai dénoncé les membres comme traîtres à la patrie ? — Est-ce aux princes, dont j’ai demandé que le faste scandaleux fût réprimé, les dépenses bornées aux simples revenus des apanages, et dont je demande que le procès soit fait aux coupables ? — Est-ce au clergé, dont je n’ai cessé d’attaquer les débordements, les prétentions ridicules, et dont j’ai demandé que les biens fussent restitués aux pauvres ? — Est-ce à la noblesse, dont j’ai frondé les injustes prétentions, attaqué les privilèges iniques, dévoilé les perfides desseins ? — Est-ce aux parlements, dont j’ai relevé les projets ambitieux, les dangereuses maximes, les abus révoltants, et dont j’ai demandé la suppression ? — Est-ce aux financiers, aux déprédateurs, aux concussionnaires, aux sangsues de l’État, à qui j’ai demandé que la nation fît rendre gorge ? — Est-ce aux capitalistes, aux banquiers, aux agioteurs, que j’ai poursuivis comme des pestes publiques ? — Est-ce à la municipalité, dont j’ai découvert les vues secrètes, dévoilé les desseins dangereux, dénoncé les attentats, et qui m’a fait arrêter ? — Est-ce aux districts, dont j’ai attaqué l’alarmante composition, et proposé le besoin de réforme ? — Est-ce à la milice nationale, dont j’ai attaqué les sots procédés, et la sotte confiance dans des chefs suspects ? — Reste donc le peuple[* 1], dont j’ai constamment défendu les droits, et pour lequel mon zèle n’a point eu de bornes. Mais le peuple n’achète personne : et puis, pourquoi m’acheter ? Je lui suis tout acquis me fera-t-on un crime de m’être donné ?

    Si ses ennemis, qui cherchent à me perdre, avaient quelque jugement, ils sentiraient que leurs coups seront toujours sans

  1. Pour moi, le mot peuple est presque toujours synonyme à celui de nation. Lorsque je le distingue, comme dans ce cas, il désigne la nation, exception faite de ses nombreux ennemis. (Note de Marat)