Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/139

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il faut vous laver complètement, ou encourir les suites de sa juste indignation.

    dans mon cabinet, et à mes dépens. Mes amis ont fait le diable pour m’empêcher d’écrire sur les affaires actuelles, je les ai laissé crier, et n’ai pas craint de les perdre.

    Enfin je n’ai pas craint de mettre contre moi le gouvernement, les princes, le clergé, la noblesse, les parlements, les districts mal composés, l’état-major de la garde soldée, les conseillers des cours de judicature, les avocats, les procureurs, les financiers, les agioteurs, les déprédateurs, les sangsues de l’État, et l’armée innombrable des ennemis publics. Serait-ce donc là le plan d’un homme qui cherche à se vendre ?

    Hé ! pour qui me suis-je fait ces nuées de mortels ennemis ? pour le peuple ; ce pauvre peuple épuisé de misère, toujours vexé, toujours foulé, toujours opprimé, et qui n’eut jamais à donner ni places ni pensions. C’est pour avoir épousé sa cause que je suis en butte aux traits des méchants qui me persécutent, que je suis dans les liens d’un décret de prise-de-corps, comme un malfaiteur. Mais je n’éprouve aucun regret ; ce que j’ai fait, je le ferais encore, si j’étais à commencer. Hommes vils, qui ne connaissez d’autres passions dans la vie que l’or, ne me demandez pas quel intérêt me pressait ; j’ai vengé l’humanité, je laisserai un nom, et le vôtre est fait pour périr.

    Les folliculaires qui se prêtent à me diffamer, ne sont pas tous des scélérats consommés. Je veux le croire : qu’ils rentrent donc en eux-mêmes un instant, ils rougiront de leurs bassesses. Je ne les accablerai point d’injures, je ne leur ferai point de reproches ; mais s’il en est un seul qui doute encore que ma plume n’est conduite que par mon cœur, qu’il vienne me voir dîner.

    Enfin, aurais-je besoin de me vendre pour avoir de l’argent ? J’ai un état qui m’en a donné, et qui m’en donnera encore, dès que je me résoudrai à renoncer au cabinet. Je n’ai même que faire de renoncer au cabinet, je n’ai besoin que de ma plume. Aux précautions infinies que prennent les ennemis de l’État, pour empêcher mes écrits de voir le jour, mes diffamateurs peuvent s’assurer que je ne manquerai pas de lecteurs. L’Ami du Peuple aurait été dans leurs mains une source abondante : dans les miennes, cette source est restée stérile ; j’ai abandonné les trois quarts du profit aux libraires chargés de m’épargner les embarras de l’impression et de la distribution, à la charge que chaque numéro sera livré à un sou aux colporteurs.

    Je me flatte d’en avoir assez dit pour dégoûter les échos de cette calomnie, la seule qui eût pu porter coup à la cause que je