Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/143

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n’est pas d’être exposé à succomber sous les artifices des méchants ; c’est de voir soupçonner son innocence. Pour faire triompher la mienne, il faut remonter au principe de la persécution que j’éprouve ; mais pour montrer la turpitude de mes persécuteurs, il suffira du simple exposé des faits.

Le moment était venu pour les Français de secouer le joug cruel sous lequel ils gémissaient depuis tant de siècles. S’ils y ont réussi, ils doivent ce succès à un concours de circonstances uniques. S’ils connaissent leurs droits, ils doivent cet avantage à la philosophie, qui a fait tomber le bandeau de l’erreur que le despotisme avait ceint sur leurs fronts. Si les États-Généraux, oubliés depuis si longtemps, leur ont été rendus, ils doivent ce bonheur aux abus du pouvoir, aux déprédations des agents de l’autorité et aux barrières que quelques cours de judicature ont élevées contre de pareils brigandages. Si le peuple a été compté pour quelque chose dans la rénovation de ses anciennes assemblées, il doit cette restitution de ses droits aux écrivains patriotiques qui ont démasqué les vues ambitieuses des ordres favorisés, jaloux de perpétuer leur domination ; ce nouvel ordre de choses n’était pas vu avec indifférence ; pour empêcher le peuple de rentrer pleinement dans ses droits, et le tenir éternellement sous le joug, il fallait dissoudre les États : la plus noire trame fut ourdie, et, sous prétexte de pourvoir à la tranquillité publique, les ennemis de la révolution s’apprêtèrent à nous réduire par la faim, le fer et le feu. Le ciel veillait pour nous : non seulement nous avons échappé, mais les préparatifs qu’ils avaient faits pour nous détruire ont servi à notre triomphe. Dès ce moment, les députés des différents ordres sont devenus les représentants de la Nation, et cet honneur, ils le doivent à l’effervescence que les plumes énergiques avaient excitée dans toutes les têtes, à l’horreur qu’elles avaient inspirée contre l’oppression, à la fureur avec