Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/145

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plot c’est dans cette classe que j’ose me compter.

Citoyen paisible, ami de l’ordre, chérissant la justice, et passionné de la liberté, depuis longtemps je passai mes jours à la recherche des lois de la nature, lorsque le désordre extrême des affaires de l’État changea l’objet de mes études favorites. Il n’était point étranger à la politique, et je pensais qu’un homme de bien ne pouvait rien faire de mieux que de consacrer sa plume au bonheur d’un grand peuple. Ce fut sur un lit de douleur que j’écrivis l’Offrande à la Patrie. J’y exposai, non la réforme de petits abus d’administration, mais la refonte entière du Gouvernement ; j’y traçai les lois indispensables au triomphe de la liberté, sans laquelle la régénération de l’Empire ne serait qu’une chimère. Cet opuscule fit sensation ; les vues qu’il contenait percèrent avec rapidité, et j’eus la satisfaction de les voir consacrées dans presque tous les cahiers des députés aux États.

Les premiers travaux du comité de constitution paraissaient à peine ; ils étaient contenus dans plusieurs projets sur les droits de l’homme et du citoyen, aussi peu dignes d’un siècle de lumières que d’une assemblée nombreuse appelée à régénérer le royaume, fruits prématurés de la vanité philosophique, impatiente de se mettre en vue ; quelques membres de ce comité, restaurateurs prétendus de la liberté française, avaient conservé à la couronne cent prérogatives usurpées, jusqu’au privilège odieux de disposer des provinces et de vendre les sujets comme un vil troupeau. Ces dispositions honteuses, qu’on avait pris soin de dévoiler, me saisirent d’indignation, et portèrent l’effroi dans mon âme ; je pris la plume, sonnai le tocsin ; et dans un écrit de quelques pages[1] je couvris d’opprobre et le projet et ses auteurs ; ainsi décrié, il n’osa plus paraître au grand jour, et le président du comité, devenu la bête

  1. Le Moniteur patriote, qui parut en octobre 1789.