Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/148

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Alarmé de la famine dont le peuple était menacé au sein même de l’abondance, je ne tardai pas à reconnaître que les accaparements de grains, malicieusement attribués à des particuliers, ne pouvaient se faire qu’avec l’appui du gouvernement, et surtout avec l’appui des municipalités, seules en état d’employer la force publique pour protéger les agents ministériels. Indigné des efforts continuels que faisait le principal ministre pour remettre dans les du monarque les chaînes du pouvoir absolu ; indigné de la composition de la municipalité parisienne, où se trouvaient des agents du directeur des finances[1], des pensionnaires royaux, des robins, des suppôts de la chicane, des escrocs, des fripons, tous partisans de l’ancien régime ; indigné des tentatives réitérées de l’administration municipale pour donner le change au public sur les causes de la disette, je suivais en silence la chaîne des événements, et d’après quelques faits notoires je n’ai plus balancé à charger le ministre d’être le principal auteur de ces malversations, et la municipalité d’avoir indignement connivé avec lui.

Redoutant l’organisation de la milice nationale, l’énormité des appointements prodigués à l’état-major de la garde soldée, l’indigne choix[2] des principaux officiers de la garde non soldée, la désunion que l’uniforme allait mettre parmi les citoyens, l’esprit de corps que le commandant général travaillait à inspirer à une partie des soldats, en formant des compagnies de grenadiers et de chasseurs, les malheurs qui allaient être les suites inévitables de

  1. Les Leleu, Deleutre et vils intrigants, et faiseurs d’affaires. (Note de Marat)
  2. On nous dit avec assurance que ce choix a été fait par les districts ; il faut être bien simple pour le croire. D’abord les assemblées de districts, loin d’être complètes, ne sont jamais générales ; et puis, qui doute que les chefs n’aient l’art de faire accaparer les voix par des intrigants, et qui ne sait que quelques centaines de voix achetées à vil prix suffisent pour faire un commandant de bataillon ? (Note de Marat)