Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/149

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cette désunion ; j’ai dénoncé au public ces manœuvres criminelles.

Révolté des atteintes multipliées portées à la liberté publique par les municipaux, et désespéré de leur connivence avec le principal ministre, j’ai dévoilé leur odieux projet, et répandu l’alarme. On m’a reproché de n’avoir gardé aucune mesure dans mes réclamations. Mais quoi ! aigri par les plaintes qu’on m’adressait de tous côtés contre les agents du pouvoir, harcelé par la foule d’opprimés qui avaient recours à moi, révolté des abus continuels de l’autorité, des attentats toujours nouveaux des suppôts du despotisme, pouvais-je ne pas être pénétré d’indignation contre les auteurs de tant de forfaits, et déployer à leur égard toute l’horreur qui remplissait mon âme ?

On m’a reproché d’avoir attaqué sans ménagement les ennemis publics : mais en doit-on aucun à de perfides ennemis ? Soldat de la patrie, j’ai combattu pour elle avec l’audace d’un guerrier qui sent toute la justice de la cause qu’il soutient. Si quelquefois mon zèle pour le salut du peuple m’a emporté, me fera-t-on un crime de n’avoir vu que les dangers qu’il courait, et de m’être dévoué pour lui ?

Enfin on m’a reproché de m’être trop confié à la bonté de ma cause, et d’avoir ignoré qu’on n’attaque jamais impunément les hommes constitués en puissance ; si cette maxime était fondée toute révolution serait impossible ; comment donc auraient été faites celles du 14 juillet et du 6 octobre ? Et puis, quelle apparence que les ennemis de l’État, que j’avais toujours arrêtés, lèveraient tout à coup le masque, passeraient par-dessus toute considération, et se porteraient aux dernières extrémités ? Quelle apparence que le parti patriotique de l’Assemblée nationale ne compterait que des trembleurs ? que les soldats nationaux ne seraient que de pures machines ; que les bons citoyens, que j’avais invités à se confédérer, resteraient isolés ; et que l’ami du peuple se verrait enfin seul contre tous ?